10 Dec
10Dec

Je suis allée voir la rétrospective Gerhard Richter qui se tient en ce moment (et jusqu'au 2 Mars 2026) à la fondation Louis Vuitton à Paris.

S'il est bien un "enseignement" à en tirer, ce serait encore une fois de mettre le doigt sur l'absurdité de ce conseil que toute personne aspirant à devenir artiste peintre professionnelle recevra un jour ou l'autre ! à savoir "il faut que tu trouves ton style et que tu ne fasses plus que ça !" 

Bien que la fibre artistique se soit révélée à moi il y a quatre petites années seulement, j'ai depuis le début ressenti de la méfiance face à ce type d'affirmation. Avec le recul, je vais tenter d'expliquer objectivement ce qui sous tendait cette méfiance un peu instinctive : 


  1. selon moi, le propre de l'Art, sous ses différentes formes d'expression, est justement de s'affranchir de tout dogme ou injonction sur la façon dont l'Artiste souhaite s'exprimer, il faut avant tout savoir s'écouter et si l'instinct créatif nous emmène dans différentes directions, avec des styles complètement différents cela ne doit pas être "réfréné" 
  2. L'Art repose sur la perte de contrôle, l'Artiste-peintre n'est pas un travailleur comme les autres et l'instinct joue un rôle primordial là où la raison et la rationalité priment dans beaucoup d'autres domaines 
  3. Je ne vois pas une pratique des Arts Plastiques sans expérimentation et recherches de nouvelles formes d'expression ... s'enfermer dans un style ne me semble pas compatible avec cette perpétuelle exploration et ce volet un peu expérimental de la peinture 
  4. je vais finir par un argument tout à fait personnel et propre à mon parcours de vie ... avant de me découvrir ma vocation à quarante-huit ans, on n'a cessé de vouloir m'enfermer dans des "catégories" qui, in fine, me renvoyaient à une image toujours fragmentaire et faussée de ma "personne" et qui a travers l'Art aspire à s'exprimer de pleins de manières et formes différentes ... je ne pense être la seule Artiste à ressentir cela ! 

Malgré tout un "style" ou une "touche personnelle" de l'Artiste peut apparaître au fil d'un travail long et acharné mais selon moi, il ne nait ni d'une volonté consciente ni d'une injonction du marché de l'Art, des galeries, modes du moment ou acquéreurs potentiels ... il décide de "naître" parce que l'Artiste suit son intuition et creuse sans relâche son sillon au sein de sa pratique, sans justement se soucier d'injonctions "extérieures" à ce qui l'habite et le traverse au plus profond de son être d'Artiste.

Un de mes peintres préférés, Henri Matisse, a dit  « Un artiste ne doit jamais être prisonnier… ni de lui-même, ni de son style, ni de sa réputation, ni de son succès… »

Je pense que tout est là ... Lorsqu'on démarre son parcours d'Artiste, on tâtonne, on se cherche, on cherche ce que l'on veut exprimer, ce qui nous convient le mieux pour l'exprimer et puis il y a les heureux hasards, ceux qui font que parfois, ce que l'on produit de ses mains et de son e sprit nous ravisse à tel point que l'on se met à chercher à reproduire plus ou moins en se disant "c'est ça mon style ! ça va plaire !" 

Après, quand on a la chance de trouver son public, le risque est grand de devenir prisonnier de ce que les gens apprécient de l'oeuvre de l'artiste ... 

Je crois qu'à tout moment de son parcours, il ne faut jamais céder à la facilité, résister, encore résister à la tentation de sa bulle de "sécurité" où la prise de risques artistiques est réduite à son strict minimum  

L'exposition Richter est à ce titre une formidable plaidoirie pour une peinture qui s'exprime de plein de manières différentes, faisant fi de cette barrière entre monde figuratif et monde abstrait et venant faire écho à la vie d'un Artiste qui s'inscrit pleinement dans son Monde intérieur mais aussi son monde extérieur 

 



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